On connaît beaucoup sur les épopées militaires de Abdelkrim Al Khattabi, mais peu de choses sur ses années d’exil. Zamane dévoile un pan méconnu de la vie de Abdelkrim.
S’il est l’une des personnalités historiques dont l’épopée glorieuse de la Guerre du Rif (1921-1926) a été étudiée de près par les chercheurs et journalistes de différentes époques et pays, la vie, loin du baroud et de l’action politique, de Mohamed Ben Abdelkrim Al Khattabi, dit « Abdelkrim », reste en grande partie négligée. Grâce au travail de Germain Ayache, on connaît partiellement le Abdelkrim d’avant 1921. L’histoire de la Guerre du Rif, par sa dimension et ses enjeux, a été décortiquée. L’exil cairote du Rifain est connu, encore que beaucoup de choses restent à faire et à découvrir. Mais que sait-on de la vie de l’émir de la guerre, entre sa reddition aux Français en 1926 et le jour où il a décidé, en 1947, de fuir à Port-Saïd ? À vrai dire très peu, sinon rien. Pourtant, durant 21 ans, confiné avec un groupe de parents et de proches sur la lointaine île de la Réunion, dans l’océan Pacifique, Abdelkrim a eu une vie. Durant cet exil, un des plus longs, imposés par la France à un ennemi vaincu, le Rifain a maintenu un profil bas, cultivant sa terre et veillant au bien-être des siens. Il a fait des enfants, qui se sont rajoutés aux premiers, s’est inquiété de leur éducation et de leur avenir, et surtout, il n’a jamais cessé de demander la fin de cet éloignement qui minait son moral et celui de ses proches. On peut être un grand personnage historique, on reste néanmoins un homme.
L’arche de Abdelkrim
L’autre histoire de Abdelkrim commence donc le 25 mai 1926, près de Targuist. Pris entre deux armées, l’émir demande l’amane aux Français qui le lui accordent, au grand dam des Espagnols qui voulaient l’exécuter pour les énormes pertes qu’il a fait subir à leur armée. Transféré à Taza, puis à Fès, où il est séparé de sa famille, il est conduit, le 28 août 1926, à bord de l’« Abda », qui était amarré au port de Casablanca, pour prendre le large, direction Marseille. Il ne reverra plus jamais son pays. À l’époque, le sultan Moulay Youssef ne le voulait pas au Maroc. Il avait demandé à ce qu’il soit confiné au Sénégal. Mais, les Français, qui ne le voulaient pas non plus en France pour ne pas irriter leurs alliés espagnols, décidèrent finalement de le déporter à l’île de la Réunion, après avoir songé à l’expédier à Madagascar…
Par Adnan Sebti
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